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10 mai 2011 2 10 /05 /mai /2011 01:09

 

D'ici à la mi‐juin, la France aura importé d'Espagne plus de 83 000 tonnes de fraises. Enfin, si on peut appeler «fraises» ces gros trucs rouges, encore verts près de la queue car cueillis avant d'être mûrs, et ressemblant à des tomates. Avec d'ailleurs à peu près le goût des tomates...

Si le seul problème posé par ces fruits était leur fadeur, après tout, seuls les consommateurs piégés pourraient se plaindre d'avoir acheté un produit qui se brade actuellement entre deux et trois euros le kilo sur les marchés et dans les grandes surfaces, après avoir parcouru 1 500 km en camion. À dix tonnes en moyenne par véhicule, ils sont 16000 par an à faire un parcours valant son pesant de fraises en CO2 et autres gaz d'échappement. Car la quasi‐totalité de ces fruits poussent dans le sud de l'Andalousie, sur les limites du parc national de Doñana, près du delta du Guadalquivir, l'une des plus fabuleuses réserves d'oiseaux migrateurs et nicheurs d'Europe.

Il aura fallu qu'une équipe d'enquêteurs du WWF‐France s'intéresse à la marée montante de cette fraise hors saison pour que soit révélée l'aberration écologique de cette production qui étouffe la fraise française (dont une partie, d'ailleurs, ne pousse pas dans de meilleures conditions écologiques). Ce qu'ont découvert les envoyés spéciaux du WWF, et que confirment les écologistes espagnols, illustre la mondialisation bon marché.
Cette agriculture couvre près de six mille hectares, dont une bonne centaine empiète
déjà en toute illégalité (tolérée) sur le parc national. Officiellement, 60% de ces cultures seulement sont autorisées; les autres sont des extensions «sauvages» sur lesquelles le pouvoir régional ferme les yeux en dépit des protestations des écologistes.

Les fraisiers destinés à cette production, bien qu'il s'agisse d'une plante vivace productive plusieurs années, sont détruits chaque année. Pour donner des fraises hors saison, les plants produits in vitro sont placés en plein été dans des frigos qui simulent l'hiver, pour avancer leur production. À l'automne, la terre sableuse est nettoyée et stérilisée, et la microfaune détruite avec du bromure de méthyl et de la chloropicrine. Le premier est un poison violent interdit par le protocole de Montréal sur les gaz attaquant la couche d'ozone, signé en 1987 (dernier délai en 2005); le second, composé de chlore et d'ammoniaque, est aussi un poison dangereux: il bloque les alvéoles pulmonaires.

Qui s'en soucie? La plupart des producteurs de fraises andalouses emploient une maind'oeuvre marocaine, des saisonniers ou des sans‐papiers sous‐payés et logés dans des conditions précaires, qui se réchauffent le soir en brûlant les résidus des serres en plastique recouvrant les fraisiers au coeur de l'hiver.

Un écologiste de la région raconte l'explosion de maladies pulmonaires et d'affections de la peau.

Les plants poussent sur un plastique noir et reçoivent une irrigation qui transporte des engrais, des pesticides et des fongicides. Les cultures sont alimentées en eau par des forages dont la moitié ont été installés de façon illégale. Ce qui transforme en savane sèche une partie de cette région d'Andalousie, entraîne l'exode des oiseaux migrateurs et la disparition des derniers lynx pardel, petits carnivores dont il ne reste plus qu'une trentaine dans la région, leur seule nourriture, les lapins, étant en voie de disparition. Comme la forêt, dont 2 000 hectares ont été rasés pour faire place aux fraisiers.

La saison est terminée au début du mois de juin. Les cinq mille tonnes de plastique sont soit emportées par le vent, soit enfouies n'importe où, soit brûlées sur place. Et les ouvriers agricoles sont priés de retourner chez eux ou de s'exiler ailleurs en Espagne. Remarquez: ils ont le droit de se faire soigner à leurs frais au cas ou les produits nocifs qu'ils ont respiré.

...La production et l'exportation de la fraise espagnole l'essentiel étant vendu dès avant la fin de l'hiver et jusqu'en avril, représente ce qu'il y a de moins durable comme agriculture, et bouleverse ce qui demeure dans l'esprit du public comme notion de saison. Quand la région sera ravagée et la production trop onéreuse, elle sera transférée au Maroc, où les industriels espagnols de la fraise commencent à s'installer. Avant de venir de Chine, d'où sont déjà importées des pommes encore plus traitées que les pommes françaises...

PAR Claude‐Marie Vadrot

Politis jeudi 12 avril 2007

NB N'hésitez pas à faire connaître ceci à vos amies et amis...


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commentaires

P
<br /> <br /> Nous n'achetons que des françaises, peu vu le prix... Bises.<br /> <br /> <br /> <br />
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L
C'est vrai, d'ailleurs cela me rappelle les paroles d'un film que j'ai beaucoup aimé :   " Le bâtiment est un symbole, tout comme le fait de la détruire. C'est le peuple qui valorise les symboles. Isolé, un symbole est denué de sens, mais soutenu par toute une foule, le fait dde détruire un édifice peut changer le monde. "Ce film ( V for Vendetta ) montre parfaitement comment le peuple construit les symboles qui le définissent et que le pouvoir lui appartient, qu'il suffit juste de se rebeller une bonne fois pour toute. Le film se déroule dans une Grande-Bretagne fasciste qui n'a rien à voir avec la réalité, mais sur le point de vue humanité et valeurs des idées, je trouve que c'est quand même un film fort en sens.Justement, il y a un "gugus" qui finit assez mal dedans même si c'est fictif, il y en a certain qu'on voudrait voir à la place ! 
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M
<br /> <br /> Côté rebellion, je nous trouve assez mous. Est-ce dû aux médias soporifiques? On préfère avaler des paroles rassurantes que d'être confrontés à la<br /> réalité.<br /> <br /> <br /> <br />
L
C'est quelque chose que je savias pas forcément, ou du moins dont j'avais pas toutes les informations, c'est sur faut faire attention à ce qu'on mange, mais si on mangé que local il n'y aurait probablement plus le problème du gaspillage de carburants à l'exportation et en plus, il est possible qu'il y est moins de surproduction.Mais on m'a expliquer que pour l'instant les choses n'était pas faîtes pour évoluer, c'est sur il faut commencer petit par petit mais là c'est trop petit, il faudrait se réserver, attendre le moment et tous nous y mettre un bon coup ( ja sais c'est assez utopique ), en tout cas, les produits exporter on peux les boycoter, mais ça n'empechera pas les gaspillages.
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M
<br /> Je pense que chacun, à sa façon peut contribuer à un mieux vivre collectif. Même si parfois le choix est difficile ou impossible, il faut toujours garder en conscience<br /> les possibilités qui s'offrent pour tendre vers le meilleur.<br /> Nous sommes des milliards, comment se fait-il que quelque dizaines de gugus nous mènent par le bout du nez?<br /> Quand je vois ce qui est mis dans les caddies de supermarchés.... Sans se priver, on peut aussi se faire plaisir en payant moins cher.<br /> Celui que sait se doit de faire de l'éducatif.<br /> <br /> Merci pour tes mots!<br /> <br /> <br />
R
"ils ont le droit de se faire soigner à leurs frais"Je dirais même, à leurs fraises (juste un peu de légèreté sur un sujet plutôt préoccupant)
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M
<br /> Sujet non préoccupant si on arrête de manger n'importe quoi!<br /> <br /> <br /> <br /> Bonne poésie!<br /> <br /> <br />
P
Nous n'en achetons pas de la bas, comme le tomates aussi. Nous attendrons la production d' ici !!
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M
<br /> Le problème est que même les produits français ne sont pas toujours terribles. En 1982 pendant quelques mois j'ai habité à côté d'un verger ...que dis-je, d'une usine<br /> à pommes. Nous respirions 3 fois par semaine les odeurs de sulfates.Qu'est ce que ça doit être aujourd'hui?<br /> <br /> ...Ne reste plus que les petits producteurs sur les marchés. Insuffisants pour nourrir tout ce monde.<br /> <br /> <br />