29 juillet 2008
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D'ou vient l'émerveillement que nous ressentons devant certaines oeuvres? L'admiration y naît au premier regard et si nous découvrons ensuite, dans la patiente obstination que nous mettons à en débusquer les causes, que toute cette beauté est le fruit d'une vertuosité qui ne se décèle qu'à scruter le travail d'un pinceau qui a su dompter l'ombre et la lumière et restituer en les magnifiant les formes et les textures -joyaux transparent du verre, grain tumultueux des coquilles, velouté clair du citron -, cela ne dissipe ni n'explique le mystère de l'éblouissement premier.
C'est une enigme toujours renouvelée: les grandes oeuvres sont des formes visuelles qui atteignent en nous à la certitude d'une intemporelle adéquation. L'évidence que certaines formes, sous l'aspect particulier que leur donnent leur créateurs, traversent l'histoire de l'Art et, en filigrane du génie individuel, constituent autant de facettes du génie universel, a quelque chose de profondément troublant. Quelle congruence entre un Claesz, un Raphaël, un Rubbens ou un Hopper? En dépit de la diversité des sujets, des supports et des techniques, en dépit de l'insignifiance et de l'éphèmère d'existences toujours vouées à n'être qu'un seul temps et d'une seule culture, en dépit encore de l'unicité de tout regard, qui ne voit jamais que ce que sa constitution lui permet et souffre de la pauvreté de son individualité, le génie des grands peintres a percé jusqu'au coeur du mystère et a exhumé, sous diverses apparences, la même forme sublime que nous cherchons en toute production artistique. Quelle congruence entre un Claesz, un Raphaël, un Rubbens ou un Hopper? L'oeuil y trouve sans avoir à la chercher une forme qui déclenche la sensation de l'adéquation, parce qu'elle apparaît à chacun comme l'essence même du Beau sans variations ni réserve, sans contexte ni effort. Or dans la nature morte au citron, irréductible à la maestria de l'éxécution, faisant jaillir le sentiment de l'adéquation, le sentiment que c'est ainsi que cela devait être disposé, permettant de sentir la puissance des objets et de leurs interactions, de tenir dans son regard leur solidarité et les champs magnétiques qui les attirent et les repoussent, le lien ineffable qui les tisse et engendre une force, cette onde secrète et inexpliquée qui naît des états de tension et d'équilibre de la configuration - faisant jaillir, donc, le sentiment de l'adéquation, la disposition des objets et des mets atteignent à cet universel dans la singulatité: à l'intemporel de la forme adéquate.
Still Life with Fruit Pie, 1635. Willem Claez
The virgin of lorette. Raphaël
C'est une enigme toujours renouvelée: les grandes oeuvres sont des formes visuelles qui atteignent en nous à la certitude d'une intemporelle adéquation. L'évidence que certaines formes, sous l'aspect particulier que leur donnent leur créateurs, traversent l'histoire de l'Art et, en filigrane du génie individuel, constituent autant de facettes du génie universel, a quelque chose de profondément troublant. Quelle congruence entre un Claesz, un Raphaël, un Rubbens ou un Hopper? En dépit de la diversité des sujets, des supports et des techniques, en dépit de l'insignifiance et de l'éphèmère d'existences toujours vouées à n'être qu'un seul temps et d'une seule culture, en dépit encore de l'unicité de tout regard, qui ne voit jamais que ce que sa constitution lui permet et souffre de la pauvreté de son individualité, le génie des grands peintres a percé jusqu'au coeur du mystère et a exhumé, sous diverses apparences, la même forme sublime que nous cherchons en toute production artistique. Quelle congruence entre un Claesz, un Raphaël, un Rubbens ou un Hopper? L'oeuil y trouve sans avoir à la chercher une forme qui déclenche la sensation de l'adéquation, parce qu'elle apparaît à chacun comme l'essence même du Beau sans variations ni réserve, sans contexte ni effort. Or dans la nature morte au citron, irréductible à la maestria de l'éxécution, faisant jaillir le sentiment de l'adéquation, le sentiment que c'est ainsi que cela devait être disposé, permettant de sentir la puissance des objets et de leurs interactions, de tenir dans son regard leur solidarité et les champs magnétiques qui les attirent et les repoussent, le lien ineffable qui les tisse et engendre une force, cette onde secrète et inexpliquée qui naît des états de tension et d'équilibre de la configuration - faisant jaillir, donc, le sentiment de l'adéquation, la disposition des objets et des mets atteignent à cet universel dans la singulatité: à l'intemporel de la forme adéquate.
Still Life with Fruit Pie, 1635. Willem Claez
The virgin of lorette. Raphaël
Rubens and Helene Fourment in the garden. Peter Paul Rubens
Extrait de "Lélégance du hérisson" de Muriel Barbery (p. 216)